Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/275

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« Pourquoi nous abuser ? continuai-je. Suis-je donc si bas dans votre estime que vous puissiez feindre devant moi ? Ce malheureux et triste voyage, vous y croyez-vous donc condamnée ? suis-je un tyran, un maître absolu ? suis-je un bourreau qui vous traîne au supplice ? Que craignez-vous donc de ma colère pour en venir à de pareils détours ? quelle terreur vous fait mentir ainsi ?

— Vous avez tort, répondit-elle ; je vous en prie, pas un mot de plus.

— Pourquoi donc si peu de sincérité ? Si je ne suis pas votre confident, ne puis-je du moins être traité en ami ? si je ne puis savoir d’où viennent vos larmes, ne puis-je du moins les voir couler ? N’avez-vous pas même cette confiance de croire que je respecte vos chagrins ? Qu’ai-je fait pour les ignorer ? ne saurait-on y trouver de remède ?

— Non, disait-elle, vous avez tort ; vous ferez votre malheur et le mien si vous me pressez davantage. N’est-ce pas assez que nous partions ?

— Et comment voulez-vous que je parte, lorsqu’il suffit de vous regarder pour voir que ce voyage vous répugne, que vous venez à contrecœur, que vous vous en repentez déjà ? Qu’est-ce donc, grand Dieu ! et que me cachez-vous ? à quoi bon jouer avec les paroles quand la pensée est aussi claire que cette glace que voilà ? Ne serais-je pas le dernier des hommes d’accepter ainsi sans murmure ce que vous me donnez avec tant de regret ? Comment cependant le refuserais-je ? que puis-je faire, si vous ne parlez pas ?

— Non, je ne vous suis pas à contrecœur ; vous vous trompez ; je vous aime, Octave ; cessez de me tourmenter ainsi. »