Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/277

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un mois. Vous parlerez, ou je vous quitte. Que je sois un fou, un furieux, que je gâte à plaisir ma vie, que je vous demande ce que peut-être je devrais feindre de vouloir ignorer, qu’une explication entre nous doive détruire notre bonheur et élever désormais devant moi une barrière insurmontable, que par là je rende impossible ce départ même que j’ai tant souhaité ; quoi qu’il puisse nous en coûter à vous et à moi, vous parlerez, ou je renonce à tout.

— Non ! non ! je ne parlerai pas.

— Vous parlerez. Croyez-vous par hasard que je sois dupe de vos mensonges ? Quand je vous vois du soir au lendemain plus différente de vous-même que le jour ne l’est de la nuit, croyez-vous donc que je m’y trompe ? Quand vous me donnez pour raison je ne sais quelles lettres qui ne valent seulement pas la peine qu’on les lise, vous imaginez-vous que je me contente du premier prétexte venu, parce qu’il vous plaît de n’en pas chercher d’autre ? Votre visage est-il de plâtre, pour qu’il soit si difficile d’y voir ce qui se passe dans votre cœur ? Quelle opinion avez-vous donc de moi ? Je ne m’abuse pas autant qu’on le pense, et prenez garde qu’à défaut de paroles votre silence ne m’apprenne ce que vous cachez si obstinément.

— Que voulez-vous que je vous cache ?

— Ce que je veux ? vous me le demandez ? Est-ce pour me braver en face que vous me faites cette question ? est-ce pour me pousser à bout et vous débarrasser de moi ? Oui, à coup sûr, l’orgueil offensé est là, qui attend que j’éclate. Si je m’expliquais franchement, vous auriez à votre service toute l’hypocrisie féminine ; vous attendez que je vous accuse, afin de me répondre qu’une femme comme vous ne descend pas à se justifier. Dans