Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/50

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Octave ; ne voyez-vous pas l’infini ? ne sentez-vous pas que le ciel est sans bornes ? votre raison ne vous le dit-elle pas ? Cependant concevez-vous l’infini ? vous faites-vous quelque idée d’une chose sans fin, vous qui êtes né d’hier et qui mourrez demain ? Ce spectacle de l’immensité a, dans tous les pays du monde, produit les plus grandes démences. Les religions viennent de là ; c’est pour posséder l’infini que Caton s’est coupé la gorge, que les chrétiens se jetaient au lion, que les huguenots se jetaient aux catholiques ; tous les peuples de la terre ont étendu les bras vers cet espace immense, et ont voulu le presser sur leur poitrine. L’insensé veut posséder le ciel ; le sage l’admire, s’agenouille, et ne désire pas.

« La perfection, ami, n’est pas plus faite pour nous que l’immensité. Il faut ne la chercher en rien, ne la demander à rien, ni à l’amour, ni à la beauté, ni au bonheur, ni à la vertu ; mais il faut l’aimer, pour être vertueux, beau et heureux, autant que l’homme peut l’être.

« Supposons que vous avez dans votre cabinet d’étude un tableau de Raphaël que vous regardiez comme parfait ; supposons qu’hier soir, en le considérant de près, vous avez découvert dans un des personnages de ce tableau une faute grossière de dessin, un membre cassé ou un muscle hors nature, comme il y en a un, dit-on, dans l’un des bras du gladiateur antique. Vous éprouverez certainement un grand déplaisir, mais vous ne jetterez cependant pas au feu votre tableau ; vous direz seulement qu’il n’est pas parfait, mais qu’il y a des morceaux qui sont dignes d’admiration.

« Il y a des femmes que leur bon naturel et la sincérité de leur cœur empêchent d’avoir deux amants à la fois. Vous avez cru que votre maîtresse était ainsi ; cela