Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/64

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Eh bien ! criai-je alors dans mon délire, dites-moi, bons et mauvais génies, conseillers du bien et du mal, dites-moi donc ce qu’il faut faire. Choisissez donc un arbitre entre vous. »

Je saisis une vieille Bible qui était sur ma table, et l’ouvris au hasard. « Réponds-moi, toi, livre de Dieu, lui dis-je, sachons un peu quel est ton avis. » Je tombai sur ces paroles de l’Ecclésiaste, chapitre IX :

« J’ai agité toutes ces choses dans mon cœur, et je me suis mis en peine d’en trouver l’intelligence. Il y a des justes et des sages, et leurs œuvres sont dans la main de Dieu ; néanmoins l’homme ne sait s’il est digne d’amour ou de haine.

« Mais tout est réservé pour l’avenir, et demeure incertain, parce que tout arrive également au juste et à l’injuste, au bon et au méchant, au pur et à l’impur, à celui qui immole des victimes et à celui qui méprise les sacrifices. L’innocent est traité comme le pécheur, et le parjure comme celui qui jure la vérité.

« C’est là ce qu’il y a de plus fâcheux dans tout ce qui se passe sous le soleil, que tout arrive de même à tous. De là vient que les cœurs des enfants des hommes sont remplis de malice et de mépris pendant leur vie, et après cela ils seront mis entre les morts. »

Je demeurai stupéfait après avoir lu ces paroles ; je ne croyais pas qu’un sentiment pareil existât dans la Bible. « Ainsi donc, lui dis-je, et toi aussi, tu doutes, livre de l’espérance ! »

Que pensent donc les astronomes, lorsqu’ils prédisent à point nommé, à l’heure dite, le passage d’une comète, le plus irrégulier des promeneurs célestes ? que pensent donc les naturalistes, lorsqu’ils vous montrent à travers un microscope des animaux dans une goutte d’eau ? croient-ils