Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. I, 1836.djvu/89

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gauche, là-bas, à l’horizon, partout quelque voix qui l’appelle. Tout est désir, tout est rêverie. Il n’y a réalité qui tienne lorsque le cœur est jeune ; il n’y a chêne si noueux et si dur dont il ne sorte une dryade ; et si on avait cent bras, on ne craindrait pas de les ouvrir dans le vide ; on n’a qu’à y serrer sa maîtresse, et le vide est rempli.

Quant à moi, je ne concevais pas qu’on fît autre chose que d’aimer ; et lorsqu’on me parlait d’une autre occupation, je ne répondais pas. Ma passion pour ma maîtresse avait été comme sauvage, et toute ma vie en ressentait je ne sais quoi de monacal et de farouche. Je n’en veux citer qu’un exemple. Elle m’avait donné son portrait en miniature dans un médaillon ; je le portais sur le cœur, chose que font bien des hommes ; mais, ayant trouvé un jour chez un marchand de curiosités une discipline de fer, au bout de laquelle était une plaque hérissée de pointes, j’avais fait