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Perdican

Comme te voilà grande, Camille ! et belle comme le jour.

Le Baron

Quand as-tu quitté Paris, Perdican ?

Perdican

Mercredi, je crois, ou mardi. Comme te voilà métamorphosée en femme ! Je suis donc un homme, moi ? Il me semble que c’est hier que je t’ai vue pas plus haute que cela.

Le Baron

Vous devez être fatigués ; la route est longue, et il fait chaud.

Perdican

Oh ! mon Dieu, non. Regardez donc, mon père, comme Camille est jolie !

Le Baron

Allons, Camille, embrasse ton cousin.

Camille

Excusez-moi.

Le Baron

Un compliment vaut un baiser ; embrasse-la, Perdican.

Perdican

Si ma cousine recule quand je lui tends la main, je vous dirai à mon tour : Excusez-moi ; l’amour peut voler un baiser, mais non pas l’amitié.

Camille

L’amitié ni l’amour ne doivent recevoir que ce qu’ils peuvent rendre.

Le Baron, à maître Bridaine.

Voilà un commencement de mauvais augure, hé ?

Maître Bridaine, au baron.

Trop de pudeur est sans doute un défaut ; mais le mariage lève bien des scrupules.

Le Baron, à maître Bridaine.

Je suis choqué, — blessé. — Cette réponse m’a déplu. — Excusez-moi ! Avez-vous vu qu’elle a fait mine de se signer ? — Venez ici, que je vous parle. — Cela m’est pénible au dernier point. Ce moment, qui devait m’être si doux, est complètement gâté. — Je suis vexé, piqué. — Diable ! voilà qui est fort mauvais.

Maître Bridaine

Dites-leur quelques mots ; les voilà qui se tournent le dos.

Le Baron

Eh bien ! mes enfants, à quoi pensez-vous donc ? Que fais-tu là, Camille, devant cette tapisserie ?