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Page:Musset - On ne badine pas avec l'amour, 1884.djvu/69

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en tête et que je ne me mêle jamais de ce qu’on boit ni de ce qu’on mange. Je ne suis point un majordome.

Maître Blazius

À Dieu ne plaise que je vous déplaise, monsieur le baron. Votre vin est bon.

Le Baron

Il y a de bon vin dans mes caves.

Maître Bridaine, entrant.

Seigneur, votre fils est sur la place, suivi de tous les polissons du village.

Le Baron

Cela est impossible.

Maître Bridaine

Je l’ai vu de mes propres yeux. Il ramassait des cailloux pour faire des ricochets.

Le Baron

Des ricochets ? ma tête s’égare ; voilà mes idées qui se bouleversent. Vous me faites un rapport insensé, Bridaine. Il est inouï qu’un docteur fasse des ricochets.

Maître Bridaine

Mettez-vous à la fenêtre, monseigneur, vous le verrez de vos propres yeux.

Le Baron, à part.

Ô ciel ! Blazius a raison ; Bridaine va de travers.

Maître Bridaine

Regardez, monseigneur, le voilà au bord du lavoir. Il tient sous le bras une jeune paysanne.

Le Baron

Une jeune paysanne ? Mon fils vient-il ici pour débaucher mes vassales ? Une paysanne sous le bras ! et tous les gamins du village autour de lui ! Je me sens hors de moi.

Maître Bridaine

Cela crie vengeance.

Le Baron

Tout est perdu ! — perdu sans ressource ! — Je suis perdu ; Bridaine va de travers, Blazius sent le vin à faire horreur, et mon fils séduit toutes les filles du village en faisant des ricochets.

(Il sort.)