Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Nous pouvons oublier le nom de tes montagnes;
Mais qu’en fouillant le sein de tes blondes campagnes,
Nos regards tout à coup viennent à découvrir
Quelque dieu de tes bois, quelque Vénus perdue...
La langue que parlait le cœur de Phidias
Sera toujours vivante et toujours entendue;
Les marbres l’ont apprise, et ne l’oublieront pas.
Et toi, vieille Italie, où sont ces jours tranquilles
Où sous le toit des cours Rome avait abrité
Les arts, ces dieux amis, fils de l’oisiveté?
Quand tes peintres alors s’en allaient par les villes,
Élevant des palais, des tombeaux, des autels,
Triomphants, honorés, dieux parmi les mortels;
Quand tout, à leur parole, enfantait des merveilles,
Quand Rome combattait Venise et les Lombards,
Alors c’étaient des temps bienheureux pour les arts!
Là, c’était Michel-Ange affaibli par les veilles,
Pâle au milieu des morts, un scalpel à la main,
Cherchant la vie au fond de ce néant humain,
Levant de temps en temps sa tête appesantie,
Pour jeter un regard de colère et d’envie
Sur les palais de Rome, où, du pied de l’autel,
A ses rivaux de loin souriait Raphaël.
Là, c’était le Corrège, homme pauvre et modeste,
Travaillant pour son cœur, laissant à Dieu le reste;
Le Giorgione, superbe, au jeune Titien
Montrant du sein des mers son beau ciel vénitien;