Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/45

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Bartholomé, pensif, le front dans la poussière,
Brisant son jeune cœur sur un autel de pierre,
Interrogé tout bas sur l’art par Raphaël,
Et bornant sa réponse à lui montrer le ciel...
Temps heureux, temps aimés! Mes mains alors peut-être,
Mes lâches mains, pour vous auraient pu s’occuper;
Mais aujourd’hui, pour qui? dans quel but? sous quel maître?
L’artiste est un marchand, et l’art est un métier.
Un pâle simulacre, Une vile copie,
Naissent sous le soleil ardent de l’Italie...
Nos œuvres ont un an, nos gloires ont un jour;
Tout est mort en Europe, — oui, tout, — jusqu’à l’amour.
 
A qui que vous soyez, vous qu’un fatal génie
Pousse à ce malheureux métier de poésie,
Rejetez loin de vous, chassez-moi hardiment
Toute sincérité, gardez que l’on ne voie
Tomber de votre cœur quelques gouttes de sang;
Sinon vous apprendrez que la plus courte joie
Coûte cher, que le sage est ami du repos,
Que les indifférents sont d’excellents bourreaux.
 
Heureux, trois fois heureux, l’homme dont la pensée
Peut s’écrire au tranchant du sabre ou de l’épée!
Ah! qu’il doit mépriser ces rêveurs insensés
Qui, lorsqu’ils ont pétri d’une fange sans vie
Un vil fantôme, un songe, une froide effigie,