Page:Musset - Poésies, édition Nelson.djvu/88

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Qui, maudissant le jour et sa vue abhorrée,
Sent son cœur plein de vie, et n’en peut rien donner ?

Et, lorsque la dernière étincelle est éteinte,
Quand il est resté là, — sans espoir, — et sans crainte, —
Qu’il contemple ces traits, ce calme plein d’horreur,
Ces longs bras amaigris traînant hors de la couche,
Ce corps frêle et roidi, ces yeux et cette bouche
Où le néant ressemble encor à la douleur...
Il soulève une main qui retombe glacée :
Et s’il doute, insensé ! s’il se retourne, il voit
La Mort branlant la tête, et lui montrant du doigt
L’être pâle, étendu sans vie et sans pensée.


                              VIII

Tout est fini ; la cendre est rendue à la terre.
Le ministre est parti, — peut-être l’attend-on.
Tu t’es évanouie ! ô toi, fleur solitaire !
Il ne reste plus rien, — rien qu’un tombeau sans nom.
Personne n’a suivi sa dépouille mortelle.
Aucun pas n’est marqué sur le bord du chemin.
Son vieux père est trop faible, et d’ailleurs, privé d’elle,
Plus loin encor, peut-être, il la suivra demain.
 
Descends donc, pauvre fille, en ta tombe ignorée,
Sous ta pierre mal jointe et d’herbes entourée !