Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/114

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Cet homme, ainsi reclus, vivait en joie. — À peine
Le spleen le prenait-il quatre fois par semaine.
Pour ses moments perdus, il les donnait parfois
À l’art mystérieux de charmer par la voix :
Les muses visitaient sa demeure cachée,
Et quoiqu’il fît rimer idée avec fâchée,


III


On le lisait. C’était du reste un esprit fort ;
Il eût fait volontiers d’une tête de mort
Un falot, et mangé sa soupe dans le crâne
De sa grand’mère. — Au fond, il estimait qu’un âne,
Pour Dieu qui nous voit tous, est autant qu’un ânier.
Peut-être que, n’ayant pour se désennuyer
Qu’un livre (c’est le cœur humain que je veux dire),
Il avait su trop tôt et trop avant y lire ;
C’est un grand mal d’avoir un esprit trop hâtif.
— Il ne dansait jamais au bal par ce motif.


IV


Je puis certifier pourtant qu’il avait l’âme
Aussi tendre en tout point qu’un autre, et que sa femme
(En ne le faisant pas c—u) n’eût pas été
Plus fort ni plus souvent battue, en vérité,
Que celle de monsieur de C***. En politique,
Son sentiment était très aristocratique,
Et je dois avouer qu’à consulter son goût,
Il aimait mieux la Porte et le sultan Mahmoud
Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène
Dont les flots ont rougi la mer hellespontienne,