Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/18

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BELISA.
Elle mourra d’un coup.Alors que me veux-tu ?
DOM PAEZ.
Écoute. — A-t-on raison de croire à la vertu

Des philtres ? — Dis-moi vrai.

BELISA.
Des philtres ? — Dis-moi vrai.Vois-tu sur cette planche

Ce flacon de couleur brune, où trempe une branche ?
Approches-en ta lèvre, et tu sauras après
Si les discours qu’on tient sur les philtres sont vrais.

DOM PAEZ.
Donne. — Je vais t’ouvrir ici toute mon âme ;

Après tout, vois-tu bien, je l’aime cette femme.
Un cep, depuis cinq ans planté dans un rocher,
Tient encore assez ferme à qui veut l’arracher.
C’est ainsi, Belisa, qu’au cœur de ma pensée
Tient et résiste encor cette amour insensée.
Quoi qu’il en soit, il faut que je frappe. — Et j’ai peur
De trembler devant elle. —

BELISA.
De trembler devant elle. — As-tu si peu de cœur ?
DOM PAEZ.
Elle mourra, sorcière, en m’embrassant.
BELISA.
Elle mourra, sorcière, en m’embrassant.Écoute.

Es-tu bien sur de toi ? Sais tu ce qu’il en coûte
Pour boire ce breuvage ?

DOM PAEZ.
Pour boire ce breuvage ? En meurt-on ?
BELISA.
Pour boire ce breuvage ? En meurt-on ? Tu seras

Tout d’abord comme pris de vin. — Tu sentiras
Tous tes esprits flottants, comme une langueur sourde