Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/19

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Jusqu’au fond de tes os, et la tête si lourde,
Que tu la croiras prête à choir à chaque pas. —
Tes yeux se lasseront, — et tu t’endormiras, —
Mais d’un sommeil de plomb, — sans mouvement, sans rêve.
C’est pendant ce moment que le charme s’achève.
Dès qu’il aura cessé, mon fils, quand tu serais
Plus cassé qu’un vieillard, ou que dans les forêts
Sont ces vieux sapins morts qu’en marchant le pied brise,
Et que par les fossés s’en va poussant la bise,
Tu sentiras ton cœur bondir de volupté,
Et les anges du ciel marcher à ton côté !

DOM PAEZ.
Et souffre-t-on beaucoup pour en mourir ensuite ?
BELISA.
Oui, mon fils.
DOM PAEZ.
Oui, mon fils. Donne-moi ce flacon. — Meurt-on vite ?
BELISA.
Non. — Lentement.
DOM PAEZ.
Non. — Lentement.Adieu, ma mère !


Non. — Lentement.Adieu, ma mère ! Le flacon
Vide, il le reposa sur le bord du balcon. —
Puis, tout à coup, stupide, il tomba sur la dalle,
Comme un soldat blessé que renverse une balle.
« Viens, dit la Belisa l’attirant, viens dormir
Dans mes bras, et demain tu viendras y mourir. »