Aller au contenu

Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce fut à ce moment qu’en refermant sa porte
Il sentit tout à coup un bras lui résister :
« Qui donc lutte avec moi ? dit-il d’une voix forte.
— Homme, dit le vieillard, songez à m’écouter. »


VII


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C’est une chose étrange, à cet instant du jour,

De voir ainsi les sœurs, au fond ce vieux cloître,
Parler en s’agitant et passer tour à tour.
Tantôt subitement le bruit semble s’accroître,
Puis tout à coup il cesse, et tous pour un moment
Demeurent en silence, et comme dans la crainte
De quelque singulier et triste événement.
Écoutez ! — écoutez ! — N’est-ce pas une plainte
Que nous venons d’entendre ? On dirait une voix
Qui souffre et qui gémit pour la dernière fois.
Elle sort d’un caveau que la foule environne.
Des pleurs — un crucifix — des femmes à genoux…
Ô sœurs, ô pâles sœurs ! sur qui donc priez-vous ?
Qui de vous va mourir ? qui de vous abandonne
Un vain reste de jours oubliés et perdus ?
Car vous, filles de Dieu, vous ne les comptez plus.
Que le sort les épargne ou qu’il vous les demande,
Vous attendez la mort dans des habits de deuil ;
Et qui sait si pour vous la distance est plus grande,
Ou de la vie au cloître — ou du cloître au cercueil ?
Inclinée à demi sur le bord de sa couche,
Une femme — une enfant — faible, mais belle encor,
Semble en se débattant lutter avec la mort.