Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/210

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Toute mouche qu’elle est, c’est rare qu’elle pique.
On m’a dit l’an passé que j’imitais Byron ;
Vous qui me connaissez, vous savez bien que non.
Je hais comme la mort l’état de plagiaire ;
Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre.
C’est bien peu, je le sais, que d’être homme de bien,
Mais toujours est-il vrai que je n’exhume rien.
Je ne me suis pas fait écrivain politique,
N’étant pas amoureux de la place publique.
D’ailleurs, il n’entre pas dans mes prétentions
D’être l’homme du siècle et de ses passions :
C’est un triste métier que de suivre la foule,
Et de vouloir crier plus fort que les meneurs,
Pendant qu’on se raccroche au manteau des traîneurs.
On est toujours à sec, quand le fleuve s’écoule.
Que de gens aujourd’hui chantent la liberté,
Comme ils chantaient les rois, ou l’homme de Brumaire !
Que de gens vont se pendre au levier populaire,
Pour relever le dieu qu’ils avaient souffleté !
On peut traiter cela du beau nom de rouerie,
Dire que c’est le monde et qu’il faut qu’on en rie.
C’est peut-être un métier charmant, mais tel qu’il est,
Si vous le trouvez beau, moi, je le trouve laid.
Je n’ai jamais chanté ni la paix ni la guerre ;
Si mon siècle se trompe, il ne m’importe guère :
Tant mieux s’il a raison, et tant pis s’il a tort ;
Pourvu qu’on dorme encore au milieu du tapage,
C’est tout ce qu’il me faut, et je ne crains pas l’âge
Où les opinions deviennent un remord.


Vous me demanderez si j’aime ma patrie.
Oui ; — j’aime fort aussi l’Espagne et la Turquie.
Je ne hais pas la Perse, et je crois les Hindous