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Scène VI.

La terrasse.
NINON, SILVIO, sur un banc.
Silvio.

Écoutez-moi, Ninon, je ne suis point coupable.
Oubliez un roman où rien n’est véritable
Que l’amour de mon cœur, dont je me sens pâmer.

Ninon.

Taisez-vous, — j’ai promis de ne pas vous aimer.

Silvio.

Flora seule a tout fait par une maladresse.
Les billets d’hier soir portaient la même adresse.
C’est en les envoyant que je me suis trompé ;
Le nom de votre sœur sous ma plume est tombé.
Le vôtre de si près, comme vous, lui ressemble !
La main n’est pas bien sûre, hélas ! quand le cœur tremble.
Et je tremblais ; — je suis un enfant comme vous.

Ninon.

De quoi pouvaient servir ces deux lettres pareilles ?
Je vous écouterais de toutes mes oreilles,
Si vous ne mentiez pas avec ces mots si doux.

Silvio.

Je vous aime, Ninon, je vous aime à genoux.

Ninon.

On relit un billet, monsieur, quand on l’envoie.
Quand on le recopie, on jette le brouillon.
Ce n’est pas malaisé de bien écrire un nom.
Mais comment voulez-vous, Silvio, que je vous croie ?
Vous ne répondez rien.