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Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1887.djvu/25

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PREMIÈRES POÉSIES

 Toi ? s’écria Paez ; mousqueton d’écurie,
Prendras-tu ton épée, ou s’il faut qu’on t’en prie ?
Elle est à toi, dis-tu ? Don Etur ! sais-tu bien
Que j’ai suivi quatre ans son ombre comme un chien ?
Ce que j’ai fait ainsi, penses-tu que le fasse
Ce peu de hardiesse empreinte sur ta face,
Lorsque j’en saigne encor, et qu’à cette douleur
J’ai pris ce que mon front a gardé de pâleur ?
— Non, mais je sais qu’en tout, bouquets et sérénades,
Elle m’a bien coûté deux ou trois cents cruzades.
— Frère, ta langue est jeune et facile à mentir.
— Ma main est jeune aussi, frère, et rude à sentir.
— Que je la sente donc, et garde que ta bouche
Ne se rouvre une fois, sinon je te la bouche
Avec ce poignard, traître, afin d’y renfoncer
Les faussetés d’enfer qui voudraient y passer.
— Oui-da ! celui qui parle avec tant d’arrogance,
A défaut de son droit, prouve sa confiance ;
Et quand avons-nous vu la belle ? Justement
Cette nuit ?
            - Ce matin.
                          - Ta lèvre sûrement
N’a pas de ses baisers sitôt perdu la trace ?
— Je vais te les cracher, si tu veux, à la face.
— Et ceci, dit Etur, ne t’est pas inconnu ? "

Comme, à cette parole, il montrait son sein nu,
Don Paez, sur son cœur, vit une mèche noire
Que gardait sous du verre un médaillon d’ivoire ;