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Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1887.djvu/92

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Dit-il, car vous dormez tout debout. — Moi, de grâce ?
Prit-elle en rougissant ; oui, j’ai beaucoup dansé.
Je me sens défaillir malgré moi. — Je ne sais,
Reprit Onorio, quel était ce jeune homme
En manteau noir ; il est depuis deux jours à Rome.
Vous a-t-il adressé la parole ? — De qui
Parlez-vous, mon ami ? dit Portia. — De celui
Qui se tenait debout à souper, ce me semble,
Derrière vous ; j’ai cru vous voir parler ensemble.
Vous a-t-on dit quel est son nom ? — Je n’en sais rien
Plus que vous, dit Portia. — Je l’ai trouvé très bien,
Dit Luigi, n’est-ce pas ? Et gageons qu’à cette heure,
Il n’est pas comme vous défaillant, que je meure ;
Joyeux plutôt. — Joyeux ? sans doute ; et d’où vous vient,
S’il vous plaît, ce dessein d’en parler qui vous tient ?
— Et, prit Onorio, d’où ce dessein contraire,
Lorsque j’en viens parler, de vous en vouloir taire ?
Le propos en est-il étrange ? Assurément
Plus d’un méchant parleur le tient en ce moment.
Rien n’est plus curieux ni plus gai, sur mon âme,
Qu’un manteau noir au bal. — Mon ami, dit la dame,
Le soleil va venir tout à l’heure, pourquoi
Demeurez-vous ainsi ? Venez auprès de moi.
— J’y viens, et c’est le temps, vrai Dieu, que l’on achève
De quitter son habit quand le soleil se lève !
Dormez si vous voulez, mais tenez pour certain
Que je n’ai pas sommeil quand il est si matin.
— Quoi, me laisser ainsi toute seule ? J’espère
Que non, — n’ayant rien fait, seigneur, pour vous déplaire.