Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/337

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— Madame, reprit le chevalier, j’ai toujours ouï dire que les hommes exerçaient le pouvoir, et que les femmes…

— En disposaient, n’est-ce pas ? Eh bien ! monsieur, il y a une reine de France.

— Je le sais, madame, et c’est ce qui fait que je me suis trouvé là ce matin.

La marquise était plus qu’habituée à de semblables compliments, bien qu’on ne les lui fît qu’à voix basse ; mais dans la circonstance présente, celui-ci parut lui plaire très singulièrement.

— Et sur quelle foi, dit-elle, sur quelle assurance avez-vous cru pouvoir parvenir jusqu’ici ? car vous ne comptiez pas, je suppose, sur un cheval qui tombe en chemin.

— Madame, je croyais,… j’espérais…

— Qu’espériez-vous ?

— J’espérais que le hasard… pourrait faire…

— Toujours le hasard ! Il est de vos amis, à ce qu’il paraît ; mais je vous avertis que, si vous n’en avez pas d’autres, c’est une triste recommandation.

Peut-être la fortune offensée voulut-elle se venger de cette irrévérence ; mais le chevalier, que ces dernières questions avaient de plus en plus troublé, aperçut tout à coup, sur le coin de la table, précisément le même éventail qu’il avait ramassé la veille. Il le prit, et, comme la veille, il le présenta à la marquise, en fléchissant le genou devant elle.