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LE PROGRÈS DES IDÉES POSITIVES DANS L’ESTHÉTIQUE

des mœurs et des lettres ; il innove même, en mettant à côté de l’histoire littéraire, la biographie des hommes dont il s’occupe. A cette époque, la littérature est considérée comme l’expression de la société, dans le plein sens du mot. Villemain montre qu’ « il est désormais entendu que l’œuvre littéraire soutient d’étroites relations, qui peuvent aller jusqu’à l’entière dépendance, avec l’état politique, avec les actions ou les influences du dehors, et de tout enfin ce qu’on va bientôt appeler les grandes pressions environnantes » (1).

On retrouve cette idée de la dépendance de l’œuvre d’art, même dans les écrits tout à t’ait secondaires vers la même époque (2), ainsi, dans un petit livre de Louis Dussieux, paru en 1838 et intitulé : L’Art considéré comme le symbole de l’état social, nous lisons une phrase qui ne laisse aucun doute : « Les productions des beaux arts sont l’expression, le reflet ou le calque de l’époque et de l’état social qui les ont enfantées » (3).

Même idée dans un gros volume de A. Bignan, intitulé : Essai sur l’influence morale de la poésie (1838). Bignan pense que les mœurs se répercutent sur la littérature et que celle-ci influe à son tour sur les mœurs.

Nous avons dit déjà que Lamennais voyait dans l’œuvre d’art l’expression de l’état religieux et social et de la mentalité de celui qui la crée. Laprade reprendra cette même idée plus lard (4), à peu près de la même façon que le fera Henri Houssaye (5).

2. — Dans le Cours de philosophie positive (1830-1842), d’Auguste Comte, il est certain que cette idée de la dépendance de l’art du milieu social ou religieux joue un grand rôle. Mais, tandis que les auteurs que nous avons cités se contentent de formuler cette dépendance, Comte en fait une application fort fructueuse pour l’ensemble de son système.

On ne trouve point une esthétique dans le Cours de philosophie positive, pour une raison bien simple : Comte pensait qu’une théorie des beaux-arts serait chose impossible, puisqu’elle exigerait le

(1) Brunetière, L’Evolution des genres, 1889, p. 214.

(2) Même dans la Préface du second volume des Odes de Victor Hugo (1824).

(3) Loc. cil., p. 1.

(4) Victor de Laprade, Le Sentiment de la nature avant le christianisme, 1866.

(5) H. Houssaye, Etudes sur l’art grec, 1867.