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LES DERNIERS ÉCRITS

aurait l’avantage appréciable, par son allure pseudo-scientifique, d’éblouir les littérateurs qui, habituellement, à cause de leur éducation classique, respectent tout ce qui se dit scientifique. La critique que préconisait Anatole France serait pourtant beaucoup plus féconde pour l’esthétique, puisqu’au moins elle lui procurerait des documents. Pour A. France, « le bon critique est celui qui raconte les aventures de son âme au milieu des chefs-d’œuvre » (1).

Comme Brunetière échafaude ses petites histoires scientifiques s’abritant derrière l’autorité de Taine, de Darwin et de Haeckel, ainsi E. Rabier et même Ch. Renouvier brodent des motifs idéalistes sur le canevas que la théorie du jeu de Schiller et de Spencer leur offrait. Selon E. Rabier (2), l’art doit mettre en évidence l’idéal que la nature ne présente pas assez en relief. De son côté, Renouvier (3) pense que l’art doit purger les passions, comme l’a déjà excellemment dit Aristote. Ces deux auteurs se rattachent étroitement, pour le reste de leur conception, à la théorie du jeu, comme nous l’avons déjà dit.

Parmi les esthéticiens importants de la fin du xixe siècle, nous devons citer Jules Combarieu, qui s’est occupé spécialement du problème que la musique pose (4). Avec lui commence l’ère des monographies que nous traversons encore aujourd’hui, et qui enrichira le domaine esthétique en apportant seulement des connaissances partielles, c’est vrai, mais aussi utiles que fécondes. Il est difficile de résumer ici ces travaux monographiques, dont le principal mérite ne réside pas dans les quelques hypothèses qu’ils présentent, mais surtout dans le nombre plus ou moins considérable des faits observés qu’ils énumèrent et analysent. Sans vouloir entrer dans les détails, disons que pour Combarieu, du langage instinctif sont nés par évolution, d’une part le langage musical qui correspond proprement à l’émotion et, d’autre part, le langage poétique qui se rapproche de la pensée. Combarieu se rattache à la théorie de Spencer, selon laquelle le chant n’est rien d’autre que l’emploi et

(1) La vie littéraire. Articles publiés dans le Temps entre 1887 et 1891. Première série, p. III-IV. Ed. Calmann-Lévy. (2) Leçons de philosophie. I. Psychologie. Chap. XLV : Notions d’esthétique (1884). (3) Excepté les ouvrages de cet auteur déjà cités, consultez : Science de ta morale. Tome premier. Livre deuxième. Section 2. (4) J. Combarieu. Les rapports de la musique el de la poésie {considérés an point de vue de l’expression). Alcau éd. 1893 (thèse).