CHAPITRE I
À respirer trop longtemps cette atmosphère lourde de haines qui pèse, comme une disgrâce, sur la mémoire des Frontenacs, l’esprit et le cœur de l’écrivain impartial s’aigrissent. À son insu il lui échappe d’écrire des pages acrimonieuses comme les articles d’une polémique envenimée, pages malheureuses qu’il est tout étonné de relire, quand le sang-froid est revenu, mais qu’il laisse cependant passer à son éditeur, car elles prouvent éloquemment la sincérité de ses convictions.
Toutefois, dans cette atmosphère sociale, saturée de médisances, de calomnies et de méchants propos, flotte un parfum subtil et pénétrant, s’épanouit une fleur d’amitié qui ne se fane jamais, mais semble embaumer davantage à mesure que ses feuilles respirent les miasmes délétères, jalousies, colères, rancunes, toutes les exhalaisons des passions viles et basses montées des âmes vulgaires comme autant de buées méphitiques à la surface d’un marécage. Vraisemblablement, elles devraient tuer cette plante merveilleuse : elle ne la rendent que plus vivace et plus odoriférante.