l’ancien monde. » Puis il lui envoie le rapport sommaire de l’expédition. Il ne manque pas de noter les services que lui a rendus le fort du lac Ontario dont la construction préalable lui avait seule permis d’entreprendre cette expédition urgente. Il recommande Callières, qui derechef avait fait preuve des plus belles qualités, puis enfin il parle de lui-même :
« Je ne sais si Votre Majesté trouvera que j’ai essayé de m’acquitter de mon devoir, et si, après cela, Elle me croira digne de quelque marque d’honneur qui puisse me faire passer avec quelque distinction le peu de temps qui me reste à vivre ; de quelque manière qu’Elle en juge, je La supplie très humblement d’être persuadée que je Lui sacrifierai le reste de mes jours avec la même ardeur que j’ai toujours eue pour son service. »[1]
N’est-il pas vraiment triste, j’allais écrire humiliant, de voir Frontenac solliciter aussi humblement des honneurs qui lui étaient cent fois dus ? Ainsi mendiées, ces distinctions valent-elles même la peine et le temps apportés à les attendre et à les atteindre ?
Louis XIV enfin se montra généreux. Frontenac reçut la croix de Saint-Louis. La reconnaissance du prince était de six ans en retard, une éternité pour un vieillard de l’âge de Frontenac, car le vainqueur de Phips aurait dû recevoir cette distinction au lendemain de la levée du siège de Québec, c’est-à-dire en 1691, à l’arrivée des vaisseaux qui lui apportaient sa lettre de félicitations.
Toujours égoïste et rapportant à lui-même le mérite et l’éclat des plus beaux faits d’armes, le roi de France avait frappé à son effigie la médaille commémorative du Kebeca liberata. Un souverain moderne se fût montré moins personnel : il l’eût dessinée au profil du héros. Mais autres temps, autres mœurs. Le maître visait à l’effet et tenait à l’éclat autant qu’au profit de la victoire. Sa
- ↑ Cf : Correspondance des gouverneurs français, lettre officielle du 25 octobre 1696.