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FRONTENAC

C’était une société d’intellectuelles d’élite, un cercle ultra-chic — style moderne — auquel confinaient Mesdames de Longueville, de Montausier, de Coulanges, de la Fayette, du Sablé, de Fiesque, de Choisy, de Maure, de Calprenède, Mesdemoiselles d’Outrelaise, de Scudéri, de Bellefonds, tous les satellites de ces trois astres qui brillèrent avec un éclat incomparable au ciel politique et littéraire de la France : les trois marquises de Maintenon, de Rambouillet et de Sévigné.

Plus tard, vers 1668, Madame de Frontenac se lia de passion disent les chroniqueurs[1], avec Mademoiselle d’Outrelaise, son égale en beauté, en grâce et en esprit. Toutes deux firent les délices de l’Arsenal. On appelait ainsi l’ancienne résidence de Sully, premier ministre d’Henri IV, parce que le duc Du Lude, alors grand maître de l’artillerie, avait galamment donné une hospitalité viagère à Madame de Frontenac, hospitalité qu’elle fit partager de suite, et jusqu’à sa mort, à Mademoiselle d’Outrelaise.

Au fond de cette éblouissante générosité il se cachait bien un peu d’égoïsme artistique. Du Lude, comme tous les Mécènes, s’aimait beaucoup dans la personne des gens de lettres, d’arts ou d’esprit qu’il protégeait. C’était un

  1. Se lier de passion, c’est-à-dire : se lier d’amitié. Au 17ième siècle passion était synonyme d’amitié. Ce nouvel exemple prouve que le sens et la valeur des mots changent avec le temps et l’usage. Il ne faut pas d’ailleurs s’en laisser trop imposer par la chaleur ou la force de certaines expressions. Dans ses Notices littéraires sur le 17ième siècle, M. Léon Aubineau fait à ce sujet l’observation suivante :
    « Il n’est pas seulement respectueux, il est galant avec les dames. (Il s’agit ici de Fléchier et des Précieuses) Il cause directement de ses relations avec elles ; il ne craint pas à ce propos de parler de son inclination et de son attachement, » etc. Puis il ajoute : « Gardons-nous à toutes ces jolies choses d’un bel esprit du dix-septième siècle de mêler la grossièreté du dix-neuvième. Le commerce des dames abondait en termes passionnés et galants qui étaient exempts cependant de toute mauvaise interprétation, et tout à fait dégagés du sens qu’un lecteur d’aujourd’hui voudrait y attacher. » — pp. 461 et 462.