CHAPITRE IV
À la date du 23 janvier 1695, jour du décès de son neveu, l’évêque de Perpignan, tous les préférés de Frontenac étaient morts. Il s’était fait autour de lui une solitude effrayante, un isolement de cimetière. La maison même des Montmorts, l’asile sacré de ses affections intimes, le suprême refuge de ses illusions perdues, n’offrait plus à la mémoire navrée du gouverneur que de funèbres souvenirs. Un mausolée remplaçait le foyer domestique.
François-Louis de Buade, son unique enfant, était disparu, tout le premier, dès 1672. Puis était venue l’heure de la bien-aimée Henriette-Marie de Buade. Le 26 octobre 1676, cette incomparable amie expirait à son tour, léguant à son frère, qui la pleura comme une seconde mère, un crucifix, gardé depuis comme une véritable relique ; ce sont les paroles mêmes du testament de Frontenac. Il en eût peu coûté cependant à la divine Providence de prolonger jusqu’à la vieillesse les jours de cette grande dame qui touchait à peine à l’automne de la vie. Dix ans de retard apportés à cette mort en aurait bien adouci l’amertume pour le gouverneur. Et comment cela ? Un répit de dix ans eût reculé à 1686 la catastrophe finale, l’inévitable départ. Frontenac se fût alors trouvé en France, à Paris ou à Versailles ; et il aurait eu, dans cette navrante épreuve,