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FRONTENAC

l’ode de Malherbe, on eût toujours ignoré que Duperrier avait perdu sa fille.

Et les consolations qu’elle appréciait ne manquaient pas alors à la Cour de Louis XIV.

De quelle autorité se réclame-t-on pour insinuer dans l’esprit du lecteur que la veuve de Frontenac se consolait à la cour de Louis XIV ? De Saint-Simon, je parie ! Que disent les Mémoires de Monsieur le duc ?

« Madame de Frontenac et mademoiselle d’Outrelaise qu’elle logeait avec elle à l’Arsenal donnaient le ton à la meilleure compagnie de la ville et de la Cour, sans y aller jamais ! »[1]

Elle (Madame de Frontenac) préférait les délices de Versailles aux rudes beautés de Québec.

D’abord, Madame de Frontenac n’allait jamais à Versailles ! Saint-Simon vient de nous le dire. Et même, étant donné qu’elle y fût, qui de nous oserait lui reprocher d’avoir préféré Versailles au crépuscule du 17ième siècle à Québec et Lévis à l’aurore du vingtième ? Écoutez ce qu’en dit — du Québec fin-de-siècle Louis XIV — M. Joseph-Edmond Roy dans son bel article : À propos de Frontenac :[2]

« Frontenac accepta de bon cœur son exil chez les Scythes qui lui permettait de refaire sa fortune avariée s’il ne pouvait satisfaire son ambition. Après tout, il valait mieux être le premier dans la bicoque de Québec que de battre le pavé de Paris ou d’être confondu dans les antichambres de Versailles avec la tourbe des gentilshommes de cape et d’épée.

« Que l’on se représente le désenchantement de ce grand seigneur, habitué à la vie luxueuse des cours, et fréquentant le meilleur monde de France, lorsqu’il arriva

  1. Cf : Mémoires de Saint-Simon, pour l’année 1707, tome 5, page 335, Paris, 1856, édition Hachette.
  2. Publié dans le Courrier du Canada, du 23 octobre 1890.