ment, étant chez son père, pour entrer, à quelques jours de là, en religion. »
Voilà donc une fillette de seize ans qui trouve le moyen de se faire enlever sans déserter le toit paternel. Convenez que le procédé n’est pas banal et que la jeune De la Grange, pour romanesque qu’elle fût, n’était point sotte, mais déjà fort rouée. Cette combinaison fait pâlir l’intrigue du Petit Duc, et il est probable que Lecocq l’aurait utilisée dans son opéra bouffe s’il eût connu à temps l’aventure amoureuse du beau Frontenac.
Ce mariage ne fut pas même clandestin, au sens strict de ce mot.[1] On le célébra régulièrement, le mercredi 28 octobre 1648, à l’église Saint-Pierre-aux-Bœufs, une petite chapelle remarquable, disent les archéologues, par son privilège de recevoir les amants qui s’unissaient malgré leurs parents. La famille de Frontenac, au grand complet, y assistait.
Et ce fut là — « en vertu de la dispense obtenue de Monsieur l’Official de Paris, par laquelle il était permis au Sieur de Buade et demoiselle de La Grange de célébrer leur mariage suivant et conformément à la permission qu’ils ont obtenue du Sieur Coquerel, vicaire de St-Paul,[2] par devant le premier curé ou vicaire sur ce requis, en gardant les solennités en ce cas requises et accoutumées » — que messire Louis de Buade, chevalier, comte de Frontenac, « conseiller du Roi en ses conseils, maréchal des camps et armées de Sa Majesté et maître de camp du régiment de Normandie, « épousa » damoiselle Anne de la Grange, fille de messire Charles de la Grange, conseiller du Roi, et maître des comptes. »
Étaient présents et signèrent au registre : Messire Henri de Buade-Frontenac, père ; Messire François d’Épinay, marquis de St-Luc, beau-frère ; Messire Claude de