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NOËLS ANCIENS

perdition, — terra miseriæ et tenebrarum — un écueil fatal, un abîme qui n’a jamais rejeté une seule épave du vaisseau englouti : l’impénitence finale. La grâce de Dieu opéra sur l’un et l’autre avec une puissance égale d’efficacité, mais d’une manière fort différente. Dessein providentiel, capricieux en apparence, mais véritablement frappé au sceau de l’Éternelle Sagesse et d’une impeccable équité. Elle vint à celui-là qui ne l’avait jamais connue, mais qui l’accueillit en bon fils quand elle se fut nommée, comme un enfant longtemps perdu retrouvé par sa mère. L’autre retourna vers elle, contrit, humilié dans son cœur et dans son âme, l’aimant toujours et la regrettant avec une amère douleur. Pellegrin, prêtre interdit, revint au sanctuaire qu’il avait déserté, retourna, comme le Prodigue, à la maison de son Père : et l’Église, suivant la belle parole de saint Augustin, l’Église ne se recula point quand il se jeta dans ses bras.

Féval, brebis encore moins égarée qu’abandonnée, vit venir à lui le Bon Pasteur, qui le chargea sur ses épaules, comme un agneau, et le ramena au bercail.

Écoutez comme il parle délicieusement à ce Jean qui n’est, véritablement, qu’un autre lui-même, car Paul Féval, très soliloque, aima toujours beaucoup à se donner la réplique.

« Il m’arriva une fois de lui dire à propos du titre de ce livre — Étapes d’une conversion — : « Pour parler français, je crois qu’il faudrait mettre : Les étapes d’un converti. »

« Mais Jean répondit :

« À notre insu nos joies et nos douleurs, nos triomphes et nos défaites nous rapprochent de Dieu. Ce n’est pas nous qui marchons vers la Conversion, c’est la Conversion qui vient à nous. J’ai voulu marquer les diverses stations de la mienne et raconter, étape par étape, ce mystérieux voyage de la grâce divine à la rencontre d’une pauvre âme. Tel doit être ce livre et le titre en est bon. »

Si l’abbé Pellegrin revenait en ce monde et qu’il lui