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ESPÉRANCES TROMPÉES

venaient que pour écouter ce qu’on leur demanderait. Ils avaient au moment même une conférence avec monsieur Corvetto ; mais, d’après ce qu’ils avaient laissé entendre au duc des bases sur lesquelles ils consentiraient à traiter, elles étaient toutes différentes des paroles portées par Ouvrard et tellement onéreuses qu’il était presque aussi impossible de les accepter que de se passer d’un emprunt. La chute était profonde de notre joie de la veille. Je la sentis doublement et pour Paris et pour Londres.

C’était un grand déboire pour mon père qui semblait pris pour dupe. Je crois bien qu’Ouvrard avait joué tout le monde en réussissant avec beaucoup d’adresse à éviter des paroles explicites sur l’état de la négociation ; mais, lui-même, je pense, s’était trompé dans ses propres finesses et avait espéré que ces messieurs, après leur démarche vis-à-vis du cabinet anglais et leur voyage à Paris, se trouveraient trop engagés pour reculer et accepteraient, ou à peu près, ses plans sur l’emprunt.

Je crois aussi que monsieur Baring, avec lequel il s’était principalement abouché à Londres et qui était bien plus facile en affaires que monsieur Labouchère, s’était montré plus disposé à la transaction telle qu’elle était offerte. Il est assez probable que, pendant le voyage qu’ils firent dans la même voiture, monsieur Labouchère n’avait pas employé inutilement son éloquence à engager son collègue à profiter des nécessités de la France pour lui imposer de plus rudes conditions.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que les trois conférences que mon père avait eues avec ces messieurs, en présence d’Ouvrard à la vérité, lui avaient laissé l’impression que les bases de la transaction étaient arrêtées. Cela était si peu exact que, lorsqu’ils sortirent du cabinet de monsieur Corvetto, le jour de leur arrivée à Paris, tout était rompu.