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la nature de la langue privilégiée, décorée du nom de primitive, sans qu’elle réunît les caractères constitutifs de cet idiome unique des premiers jours du monde, idiome mystérieux, qui était le signe de l’empire de l’homme sur la nature, mais qui est à jamais perdu pour la postérité d’Adam et que des hypothèses philosophiques sont impuissantes à reconstruire. Un penseur, Court de Gébelin, a indiqué une vérité incontestable, et toutefois indémontrable par des faits, quand il a dit que « toutes les langues ne sont que des dialectes d’une seule » : mais qu’une langue primitive ait réellement existé, comme la logique, d’accord avec la tradition, nous porte à le croire ; ses mots, ses formes, son génie, nous ont à jamais échappé, et combien sera toujours vain le travail de ceux qui prétendront encore refaire des élémens les plus simples d’idiomes vraiment anciens une langue simple, antique, rudimentaire, vrai prototype des autres !

Tout le monde sait que l’hébreu a été longtemps choisi exclusivement comme langue mère universelle, et qu’en vue de lui assurer une telle prérogative, aucun effort n’a été épargné pour y rapporter violemment toutes les langues de la terre. L’erreur est aujourd’hui bien constatée et généralement reconnue ; elle n’est plus renouvelée que par quelques esprits qui s’obstinent à poursuivre les hypothèses favorites de leur pédantisme, par exemple en Angleterre où des adeptes de l’église officielle mettent tout leur savoir biblique et classique au service d’une opinion repoussée par les plus éclairés des hébraïsans juifs et chrétiens[1]. Qu’on ne croie point toutefois que l’abandon de cette opinion porte quelque préjudice au respect légitime que commande le caractère antique et inspiré de la langue sainte : l’autorité du

  1. Pour invoquer à l’appui de cette assertion des noms qui font autorité dans toutes les écoles, je n’ai besoin que de citer ceux de Drach et de Molitor, d’Ewald et de Gesenius, de Delitzsch et de J. Fürst, le célèbre éditeur de la dernière Concordance hébraïque de la Bible.