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Elle n’a pu fournir que des distinctions vagues et stériles[1], ou bien des rapprochemens isolés et sans portée ; aussi n’est-elle point venue au secours de la philologie Orientale dès qu’il s’est agi d’expliquer l’affinité originelle de plusieurs idiomes en usage dans des pays fort éloignés l’un de l’autre, et l’on a reconnu l’insuffisance d’une méthode qui n’avait le plus souvent qu’entassé des analogies illusoires[2].

Il est une troisième méthode qui a paru satisfaire jusqu’ici à toutes les exigences d’une comparaison systématique des langues, telle que la concevait et la souhaitait Leibnitz, entrevoyant, il y a deux siècles, la portée des rapprochemens et des jugemens de la linguistique. C’est la méthode qu’on peut nommer ethnographique, parce qu’elle met l’histoire

  1. Je prendrai pour exemple de ce défaut la distinction adoptée par J. G. Eichorn en faisant l’histoire de la linguistique chez les modernes jusqu’aux premières années du XIXe siècle, distinction qui sépare les langues Orientales en deux groupes, les langues monosyllabiques et les langues polysyllabiques (Geschichte der Literatur, B. V., 1o Abtheil, Goettingen, 1807) ; il n’en est pas de même d’une autre distinction qui est fondée sur l’observation générale de l’organisme des langues, si d’ailleurs elle ne peut éclaircir leur classification individuelle : c’est la distinction des langues à flexions, dont la grammaire est formée par les mutations euphoniques de la racine, et des langues à suffixes, dans lesquelles la racine immuable dans sa forme reçoit sa valeur grammaticale par l’accession de certains mots juxtaposés ; ce sont les idiomes Américains qui ont surtout fourni avec le Chinois l’exemple de cette seconde classe de langues par l’application perpétuelle de ce système d’affixes ou suffixes, indépendant de la variété des radicaux.
  2. Dans son Introduction à l’Atlas ethnographique (p. XVIII), Balbi a bien apprécié le vice de la méthode physiologique avant de caractériser les procédés meilleurs qui lui ont succédé : « L’identité ou la ressemblance de quelques terminaisons, de quelques mots isolés, offertes par des langues séparées par des espaces immenses et appartenant à des règnes ethnographiques différens, ne sont que l’effet du hasard, et ne sont d’aucun poids pour prouver l’affinité de deux langues. Ces analogies fortuites se rencontrent surtout parmi les monosyllabes et les dissyllabes des idiomes les plus distincts, vu le nombre borné de ces sons différens que nos organes sont capables de prononcer ».