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nombre ne peut apercevoir de quel avantage serait pour la défense de la république Chrétienne la connaissance des idées et des croyances répandues en dehors d’elle et soulevées contre elle. L’utilité religieuse de cette connaissance commence à être mieux comprise en présence des désastres qui, dans les dernières guerres du Levant, rendent inutiles les efforts de la chevalerie, le dévouement des masses et les sacrifices de deux grands siècles ; l’attention se porte alors sur l’étude des idiomes et des opinions de l’Orient en vue de la polémique que les Chrétiens pourront soutenir contre les Infidèles, non plus les armes à la main, mais par la discussion, par la controverse, par la science. C’est dans le cours du XIIIe siècle que sont faites les premières tentatives de cette Croisade intellectuelle, et aussitôt plusieurs Papes la favorisent par tous les moyens que leur fournit l’ascendant du pouvoir spirituel[1] : parmi les hommes éclairés, qui travaillent efficacement à répandre la connaissance des langues Hébraïque et Arabe comme instrumens de controverse et de conversion, se trouve le fameux Raymund Lulle[2], qui enseigne et qui établit des écoles, qui excite le prosélytisme des princes, qui organise le nouveau plan d’attaque, et qui lui-même meurt à la peine. C’est dans le même siècle que les voyages des Marco-Polo et des Rubruquis dans l’Asie centrale répandent dans les états de l’Occident des relations qui décrivent assez fidèlement des pays inconnus, mais qui ont en apparence le caractère merveilleux de la fable ; le moment

  1. Quatre Pontifes de ce siècle ont surtout recommandé l’étude de l’Arabe et ordonné son enseignement à l’université de Paris : Innocent IV, Alexandre IV, Clément IV et Honorius IV.
  2. Rayhundus Lullus, né dans l’île de Majorque en 1235, mourut en 1314, après une longue carrière d’étude, d’agitation et de souffrance ; celui qui avait prêché le christianisme aux Musulmans dans leur langue est le philosophe chrétien, auteur de la célèbre méthode qu’il a comprise sous le nom d’Ars magna sive generalis et qu’il a appliquée principalement à la démonstration de la foi catholique.