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NOTES 143

chaque chose pour ce qu'elle est, quand elle vient. Nous n'avons pas fini d'y puiser, je vous le jure. — Surmontons notre agace- ment ; même ce qui nous agace ici est sincère. M. Proust raille quelque part ses parents d'oser prétendre " qu'on doit mettre devant les enfants et qu'ils font preuve de goût en admirant d'abord les œuvres que parvenus à la maturité on admire défi- nitivement." Il avoue humblement qu'il admirait dans son jeune âge " un paysage de Gleyre, ou quelque roman de Saintine ". Et il ajoute que " les mérites esthétiques " ne sont pas " des objets matériels qu'un œil ouvert ne peut faire autrement que de percevoir, sans avoir eu besoin d'en mûrir lentement les équivalents dans son cœur. " Voilà qui suffirait à nous rassurer sur son esthétisme. Pour esthète qu'il soit, ce n'est pas un esthète de l'espèce commune et ce qu'il nous donne aujourd'hui, personne ne nous l'avait donné, ni la pénombre d'une chambre d'enfant précoce, ni les propos de ces étonnants Verdurin, qui sont les deux réussites extrêmes du livre.

H. G.

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��LES CHOSES VOIENT, par E^ouan/ Estaunié (Perrin 3 fr. 50)-

M. Estaunié n'est plus à découvrir. Il possède un assez bon nombre de lecteurs et la Revue des Deux mondes le recherche. Mais depuis quinze ans qu'il mérite et qu'il détient ce qu'on appelle " l'estime des lettrés ", il semble qu'on lui en veuille toujours de cette estime même qu'il n'avait pas sollicitée et que l'on prenne à tâche de l'étouffer dessous. " L'estime des lettrés ", voilà un mot terrible ! Il n'est pas moins réticent et restrictif qu'élogieux. Un mot qui décrie ce qu'il loue, qui récompense un effort patient, une probité d'art parfaite, mais sous-entend sournoisement que l'auteur ainsi " estimé " n'a rien qui ressem- ble au génie, ou du moins à " une nature " et ne saurait jamais

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