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Page:NRF 11.djvu/197

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UNE VISITE A JEAN-DOMINIQUE INGRES I9I

grande austérité de conscience, voilà qui ne prédispose point trop aux songeries romanesques. C'est faire l'histoire de presque toutes les villes de France que de dire qu'elles furent des systèmes de défense. Se défendre, toujours combattre et se reprendre, laquelle n'a point subi ce sort commun ? Chacune d'elles constitue un répertoire de valeur et d'héroïsme complets. Mais ce n'est pas dans l'épanouissement de ces roides vertus que je les aime davantage. Car la force et la ruse sont éternelles, et revêtent toujours les mêmes apparences. Où ces dures guerrières de France me touchent vraiment, c'est quand elles cèdent, ou plutôt qu'elles se démettent. Elles nous montrent alors leur vrai visage et leur âme la plus pro- fonde, car elles ne plient que dans le sens de leur axe propre et de leur vertu constituante. C'est surtout dans la paix qu'elles dévoilent le mieux les vertus qu'elles firent fleurir pendant la guerre. Or, Montauban ne s'est jamais rendue. Dépeuplée, démantelée, réduite à la solitude et à l'inaction, jusque dans sa soumission forcée, elle a gardé ces manières distantes, renfermées et presque rébar- batives, cette rigueur et même ce rigorisme d'allures qui tiennent de la Réforme, et où, malgré tout, une grande âme peut respirer à l'aise.

La gravité et le sérieux de Montauban se font le mieux sentir dans ce qu'ils ont de tempéré, sous les arcades de la Place Nationale. Il faut s'y promener vers la fin du jour. Le matin, et jusqu'à midi, les marchandes d'herbes, les étalages composent à cette place une anima- tion non point méridionale, rien à Montauban n'étant du Midi, mais enfin qui ressemble à de la vie. A la tombée du soir, au contraire, quand tout y est silencieux, surtout

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