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Page:NRF 11.djvu/333

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les frontons du Parthénon au British Museum), "conservés" par les successeurs du professeur Koschwitz.

Ce sera une façon de vivre encore ? Peut-être. Je crois avoir lu quelque part que les derniers mots, prononcés par une langue humaine, de je ne sais plus quel dialecte celtique de Galles ou de Cornouailles, le furent par un perroquet qui avait appartenu à une vieille paysanne et qui était devenu une curiosité philologique. Je suppose qu’après sa mort on a dû l’empailler pour quelque Musée Arlatan du lieu. Aujourd’hui le phonographe est là pour multiplier et scientifiser ce perroquet. Comme les paroles gelées du Pantagruel, un provençal gelé se conservera sans doute indéfiniment dans les rouleaux, dans les "archives de la parole" à Greifswald. Un provençal gelé ! Magnifique ironie !

Carrejon pas nostis estello,
Carrejon pas nosto souleu.

De tout cela je sais bien que la plupart des Français, et, parmi eux, la plupart des Méridionaux, font allègrement leur deuil. L’achèvement, la perfection de l’unité linguistique est considérée par beaucoup comme un progrès. Je suis persuadé au contraire que la disparition totale de la langue d’oc, ou du moins sa retraite dans les bibliothèques et les phonographes, serait un désastre pour la langue française elle-même.

A-t-on remarqué que le Midi n’a donné à la France, dans toute son histoire littéraire, pas un seul de ses grands poètes ? Au contraire un bon nombre de nos grands prosateurs, des originaux, des parfaits, sont du Midi ; un Montaigne, un Massillon, un Montesquieu, réalisent, à des titres différents, dans la prose de leur temps, le point d’exquise convenance. Certainement ce n’est pas un hasard ! La musique la plus secrète d’une langue, celle qui se traduit par la poésie, ne se révèle que par celui qui appartient à cette langue tout entier et qui plonge en elle chacune de ses plus profondes racines. La