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346 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

LE THÉÂTRE

LE CHÈVREFEUILLE, par Gabriele Annunzio (Porte Saint-Martin).

Sachons gré à M. Gabriele d’Annunzio de renoncer momentanément au spectacle. Ne lui tenons pas rigueur d’une verbosité lyrique, que, du reste, nous admirons et dont il ne saurait se défaire sans abdiquer son être même. Le Chèvrefeuille vient à point, en somme, avec ses agaçants défauts, pour nous faire mesurer toute la distance, qui sépare pourtant le mauvais goût d’un vrai poète du mauvais goût tout court. Quand on le compare au Phalène, le Chèvrefeuille mérite considération. Et d’abord c’est un drame. Dépouillez-le des nuances fleuries qui l’enguirlandent, il ne se réduit pas au néant, il peut toucher, il peut charmer. Qu’il le doive autant à Eschyle, à Sophocle, à Shakespeare, à Ibsen et même à M. Maeterlinck, qu’à son auteur, voilà qui n’est pas pour surprendre. Mais l’auteur a. mis tout cela à son ton : Electre, Hamlet, les Revenants et le Petits drames pour marionnettes, et quand nous ne devrioi envisager son drame que comme un " monstre " de haut culture, il y a à l’envisager. Je ne ferai pas à nouveau le proci de ** l’esthétisme " cher à M. d’Annunzio. Un critique m’ reproché quelque part d’être conduit à une sévérité de juge ment qu’il se trouve loin de partager, par " l’éternelle haine du génie latin ". Outre que je n’ai point cette haine, c’est contraire l’anti-latinisme de l’auteur du Chèvrefeuille dont lui fais grief. Ce latin s’est mis à l’école des romantiques septentrionaux les plus diffus et les plus débordants. La langue qu’ parle est belle, mais au lieu de l’employer à serrer de près h pensée, comme firent ses ancêtres tant italiens que latins, il la cultive pour elle-même ; il la distend, il la surmène ; il en!

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