Page:NRF 11.djvu/488

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

482 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

du doigt quelques touches qui répondent très faiblement. Tout à coup le couvercle échappe et fait en retombant un boucan formidable ; (Lafcadio sursaute encore en y son- geant.) Wladi se précipite sur la lanterne qu'il aveugle, puis s'écroule dans un fauteuil ; Cadio glisse sous une table ; tous deux restent longtemps dans le noir, sans remuer, aux écoutes... mais rien ; rien n'a bougé dans la maison ; au loin, un chien jappe à la lune. Alors, douce- ment, lentement, Wladi redonne un peu de lumière.

Dans la salle à manger, de quel air il tourne la clef du buffet ! L'enfant sait bien que ce n'est là qu'un jeu, mais l'oncle y semble pris lui-même. Il renifle comme pour flairer où cela sent le meilleur ; s'empare d'une bouteille de Tokay ; en verse deux petits verres, où tremper des biscuits ; il invite à trinquer, un doigt sur les lèvres ; le cristal sonne imperceptiblement... La collation nocturne terminée, Wladi s'occupe à tout remettre en ordre, il va rincer avec Cadio les verres dans le baquet de l'office, les essuie, rebouche la bouteille, referme la boîte aux biscuits, époussette méticuleusement les miettes, regarde une der- nière fois le tout bien à sa place dans l'armoire... Ni vu, ni connu.

Wladi raccompagne Cadio jusqu'à sa chambre et le quitte avec un profond salut. Cadio reprend son somme où il l'avait laissé, et se demandera le lendemain s'il n'a pas rêvé tout cela.

Drôle de jeu pour un enfant ! Qu'eût pensé de cela Julius ?...

Lafcadio, bien que les yeux fermés, ne dort pas ; il ne parvient pas à dormir.

�� �