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484 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

occupé à son nouveau faux-col, avait mis bas sa veste pour pouvoir le boutonner plus aisément ; mais le mada- polam empesé, dur comme du carton, résistait à tous ses efforts.

— Il n'a pas l'air heureux, reprenait à part soi Lafcadio. Il doit souffrir d'une fistule, ou de quelque affection cachée. L'aiderai-je ! Il n'y parviendra pas tout seul...

Si pourtant ! le col enfin admit le bouton. Fleurissoire reprit alors, sur le coussin où il l'avait posé près de son chapeau, de sa veste et de ses manchettes, sa cravate et, s'approchant de la portière, chercha, comme Narcisse sur l'onde, sur la vitre à distinguer du paysage son reflet.

— Il n'y voit pas assez.

Lafcadio redonna de la lumière. Le train longeait alors un talus, qu'on voyait à travers la fenêtre, éclairé par cette lumière de chaque compartiment projetée ; cela formait une suite de carrés clairs qui dansaient le long de la voie et se déformaient tout à tour selon chaque accident du terrain. On distinguait au milieu de l'un d'eux danser l'ombre falote de Fleurissoire ; les autres carrés étaient vides.

— Qui le verrait ? pensait Lafcadio. Là, tout près de ma main, sous ma main, cette double fermeture, que je peux faire jouer aisément ; cette porte qui, cédant tout à coup, le laisserait crouler en avant ; une petite poussée suffirait ; il tomberait dans la nuit comme une masse ; même on n'entendrait pas un cri... Et demain, en route pour les îles !... Qui le saurait ?

La cravate était mise, un petit nœud marin tout fait ; à présent Fleurissoire avait repris une manchette et l'assu- jettissait au poignet droit ; et, ce faisant, il examinait,