Page:NRF 11.djvu/653

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES CAVES DU VATICAN 647

C'était un pauvre veston élimé, couleur réglisse, de drap mince, rèche et vulgaire, et qui le dégoûtait un peu, que Lafcadio suspendit à une patère, dans Tétroit cabinet- toilette où il s'enferma ; puis, penché sur le lavabo, il commença de s'examiner dans le miroir.

Son cou, à deux endroits, était assez vilainement balafré; une étroite traînée rouge partait de derrière la nuque et, tournant vers la gauche, venait mourir au-dessous de l'oreille ; une autre, plus courte, franche écorchure celle- là, deux centimètres au-dessus de la première, montait droit vers l'oreille dont elle avait atteint et un peu décollé le lobe. Cela saignait ; mais moins qu'il n'aurait pu craindre ; par contre, la douleur, qu'il n'avait pas sentie d'abord, s'éveillait assez vive. Il trempa son mouchoir dans la cuvette, étancha le sang, puis lava le mouchoir.

— Pas de quoi tacher un faux-col, pensa-t-il en se rajustant ; tout va bien.

Il allait ressortir ; à ce moment la locomotive siffla ; une file de lumières passa derrière la vitre dépolie du closet. C'était Capoue. A cette station si proche de l'accident, descendre et courir dans la nuit se ressaisir de son castor... cette pensée surgit éblouissante. Il regret- tait beaucoup son chapeau souple, léger, soyeux, tiède et frais à la fois, infroissable, d'une élégance si discrète. Pourtant il n'écoutait jamais tout entier son désir et n'aimait pas céder, fût-ce à lui-même. Mais par dessus tout il avait l'indécision en horreur, et gardait depuis nombre d'années, comme un fétiche, le dé d'un jeu de tric-trac que dans le temps lui avait donné Baldi ; il le portait toujours sur lui ; il l'avait là, dans le gousset de son gilet :

�� �