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LES REVUES 741

que, poursuivant son discours, il se mette à parler du chameau — du pur chameau — dont l'odeur est si profondément évocatrice de l'Arabie, ou de l'odeur d'œufs pourris de Hitt sur l'Euphrate où Noé se procura le goudron destiné à l'arche ; ou encore de l'odeur dégagée par le poisson qu'on fait sécher à Burma.

Alors, chacun se met à se trémousser à la façon des chats se roulant sur la valériane, et comme on dit dans les livres, la con- versation devient générale.

Je crois, pour ma part, jusqu'à plus ample informé, qu'il existe seulement deux odeurs fondamentales capables de produire une impression sur tous les êtres humains : l'odeur du combustible en train de brûler et l'odeur de la graisse fondante, c'est-à-dire ce 5ur quoi l'homme fait cuire ses aliments et ce dans quoi il les fait cuire.

Et plus loin :

Il existe une petite mixture de cinq notes qui vous bouleverse le coeur : cheval, vieille sellerie, café, lard frit et tabac (qui va du tabac en carotte à la cigarette enveloppée d'une feuille de maïs) et qui peut faire descendre un homme des camps élevés et secs des Selkirks ou des camps humides de l'Orégon toujours plus bas, à travers la poussière rouge et épicée ou la poussière blanche, à travers les émanations parfumées de la sauge et le parfum poivré de l'euphorbe, plus bas jusqu'au sud torride où flotte une odeur de chèvre, où il laissera les haricots frits, l'encens et l'abominable odeur cuivrée de la pulque, arrivera aux rivages couverts d'une végétation désolée de mangliers avec les odeurs fétides de la fièvre jaune jusqu'à ce qu'il laisse son cheval sur le rivage et que les tropiques rafraîchissent son cœur avec la râpe saine de l'odeur du corail brûlé de soleil et celle du poisson séché.

��Lu dans la Liberté du samedi 14 mars (compte-rendu d*une conférence sur Vigny prononcée au Foyer par M. Jean Aicard).

Il s'amuse à proposer une énigme à son auditoire, à lui demander de qui, de Vigny ou de Hugo, sont ces douze vers :

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