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Page:NRF 11.djvu/753

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RACHEL FRUTIGER 747

de son nom est un bas-relief de marbre : Pénélope assise devant son métier, et près d'elle est une petite lampe plate, à trois pointes, et allumée, pour montrer qu'il fait nuit. Craigie me fait penser aux montagnes hyperboréennes. Mais c'est parce que je sais qu'elle était la fille du ministre de la chapelle écossaise de Reykiawick, en Islande. La petite Craigie devait être blonde et nerveuse, avec une tête ronde grosse comme le poing, deux yeux gris clair et d'énormes rubans cerise au bout de ses deux nattes pâles. Même en hiver elle avait les pieds nus dans des sandales de cuir trop larges. Et pour tout cela, et parce qu'elle venait de si loin, et qu'elle devait se sentir bien dépaysée, et qu'elle avait une voix lente, et que toutes sortes d'accidents délicieux arrivaient à sa prononciation, une des deux petites Françaises, dans le secret de son cœur, l'aimait.

Rachel Frutiger était la fille d'un banquier qui avait une grande maison sur le quai des Bergues. Elle était une petite Genevoise comme les autres, avec l'accent, et jurait par : Ah mon père !

Quelques jours avant Noël, à la fin du cours. Madame la directrice appela d'un signe les deux petites Françaises :

— Voilà quinze jours que votre papa m'a écrit qu'il allait m'envoyer l'argent des deux mois passés. Vous lui direz de ma part que cette note doit être réglée avant Noël, dernier délai.

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