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864 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

IV

ENFIN, Julien se laisse vivre

Une femme, qui m*est bien' chère, ayant fini de lire he Rouge et le Noir^ me dit : " Ah, je n'aurais pas voulu que Julien tire le pistolet contre sa douce amie ! C'est bien assez qu'il en soit capable. Quel affreux courage ! Julien traite Madame de Rénal comme un homme : voilà ce que je lui reproche. " Idée de femme, et vraiment charmante : un homme ne doit jamais user de sa force contre une femme, que pour l'aimer. Il doit tout lui pardonner ; et d'abord, ce qu'une femme ne lui pardonnerait jamais. Elles sentent ainsi, quand elles aiment. Puis, elles se perdent, elles se font tuer, elles vont à la mort plutôt que de rester dans la tombe de l'absence, et de condamner leur amour à l'oubli. N'eussent elles pas pitié de l'amant, elles ont soif et compassion de l'amour en lui.

Rien de plus vrai : Julien traite en homme sa tendre maîtresse, parce que l'ambition est l'ennemie de l'amour. Julien est toujours tout ce qu'il est. Le dernier feu de sa volonté est un coup de foudre. Mais cet éclair lui révèle le monde de la tendresse ; et il n'y entre que pour n'en sortir jamais. 11 ne retrouve pas Madame de Rénal dans l'église de Verrières, mais sur le seuil du bonheur.

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