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Page:NRF 11.djvu/871

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CHRONIQUE DE CAERDAL 865

Il lui envoie la balle que tous les hommes du livre et de la vie méritent, pour toute la haine et l'envie qu'ils exercent contre les jeunes héros.

Admirez, belle amoureuse, que pour le vrai héros, à vingt-cinq ans et peut-être à cinquante, il ny a ni homme ni femme : il n'est que des alliés ou des ennemis. La preuve en est que l'adorable Rénal, si chère à tous les cœurs passionnés, s'est laissée manier elle-même comme une marionnette par son jésuite. Mille fois plus touchante d'être aussi victime, elle se perd en perdant son ami. La pensée de Stendhal est là toute vive, avec son culte de l'amour : pour goûter enfin la vie d'amour, ils se perdent tous deux joyeusement. Jusque là, tout le reste n'a été que roman, un vain passe- temps, un prélude, une attente. Dès le premier regard, le petit jeune homme en veste de ratine, €t l'honnête femme vêtue d'ignorance et de tran- quillité, Julien et l'adorable Rénal, quoi qu'ils fissent, étaient voués à la même vie et à la même mort d'amour : l'amour est leur fatalité.

Pour être tout à son amour, il se sépare de la vie. Il tue son ambition, pour se rendre sans par- tage à sa maîtresse. Tout le passé lui semble une ridicule erreur. Plus d'ennui, plus de vide. Voici sonner les heures pleines, les heures inimitables. Trente de ces jours passionnés et de ces nuits valent trente fois trente années de vie déserte.

Il fallait donc que Sorel abdiquât tout désir

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