Aller au contenu

Page:NRF 12.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

126 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Cette ancienne page des Impressions me revenait à la mémoire en relisant dans la Vieillesse d*Hélène^ une autre ancienne page des mêmes Impressions, écrite il y a bien un quart de siècle, En marge de VAbbesse de Jouarre, et que, non sans un subtil et mélancolique dessein, M. Lemaître a voulu replacer dans son livre d'aujourd'hui.

" Il y avait autrefois, dans une ville de l'Inde, un vieillard très saint, nommé Touriri, qui dès son adolescence s'était appliqué à dompter sa chair afin d'entrer vivant dans la paix du Nirvana. Mais un jour, ayant lu des livres étrangers, il reconnut la vanité de son entreprise et cessa de croire à ce qu'enseigne le Bouddha. Même il écrivit des ouvages où il démontrait que le Bouddha n'avait point fait de miracles et qu'il n'était pas Dieu. Mais, en même temps, il professait une sagesse si haute et si sereine, et ses écrits avaient tant de grâce, qu'il se fit, dans la ville et dans tout le royaume, un grand nombre de disciples et d'admirateurs.

" Cependant, Touriri continuait à vivre dans la chasteté, afin que nul ne pût dire que c'était l'attrait des plaisirs grossiers qui l'avait fait renoncer à ses premières croyances. Mais, à mesure qu'il avançait en âge, il paraissait aimer beaucoup les, femmes, et il parlait d'elles sans nécessité dans tous ses livres, comme si elles l'eussent préoccupé très vivement. Et il écrivait sur elles des choses si douces, si caressantes et si délicates, que tous ceux qui le lisaient en étaient charmés et troublés jusqu'au fond de leur cœur.

" Or, un jour, une veuve de trente ans... "

Ce Touriri, qui avait vers 1889 la figure d'Ernest Renan, voici que, pareil à ce portrait de l'artiste que les sculpteurs allemands mettaient au pied d'une chaire à prêcher quand ils l'avaient achevée, M. Jules Lemaître, le plaçant à la fin de la Vieillesse d'^Hélène, nous y laisse cette fois reconnaître sa figure à lui. Il paraît d'abord au lecteur que l'auteur a tout simple- ment continué à donner des Contes en Marge, à exploiter comme

�� �