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NOTES 145

vérité morak,, qu'il ne sait pas composer un personnage^ qu'il substitue des effets de scène ou des déclamations ampoulées à l'analyse psychologique, qu'il prend enfin la place de ses acteurs pour parkr lui-même par leur bouche. " Rien que cela ! Et au long de 303 pages, M. Georges Pellissier démontre. Le mieux qu'on pourrait faire h l'égard d'un tel livfe, c'est de le passer sous silence. O» pardonne à Tolstoï ses bizarres pam- phlets sur Wagner et Shakespeare ; on peut bion pardonner quelque chose à M. Georges Pellissier. Mais vraiment il apporte à son réquisitoire une obstination, une lourdeur, un appareil scolaije qui empêchent qu'on le fasse bénéficier d'une indul- gence acquise auX généreuses boutades. Avec un ricanement de triomphe, M. Georges Pellissier dénonce les grands coups de génie à côté des petites négligences. Il divise les caractères de Shakespeare en personnages incohérents, personnages mal repré- sentés, traîtres " abominablement pervers et invraîsemblablemeiît naïfs ", enfin femmes, parmi lesquelles, trouvent seules grâce à ses yeux Portia " dont Plutarqxie a d'ailleurs fourni tous les traits ", M™^ Ford et M'^'^ Page, et encore la nourrice de Juliette. On ne devrait que sourire ; mais quand vous lisez que, tout le long de son rôle, Desdémone " montre une niaiserie et une inertie vraiment incroyables", vous ne pouvez pas empêcher de sentir le sang vous monter à la figure.

Et à quoi rime ce déchaînement d'un homme pacifique ? Faut-il y chercher une querelle de boutique, et cet emporte- ment contre le plus grand poète n'est-il que le coup de boutoir d'un défenseur du latin aux abois ? Ce serait une bien mala- droite tactique ; car si jamais il fallait choisir entre Shakespeare et tous les auteurs latins mis bout à bout — eux qui ont si peu de moelle à nous faire goûter et dont les traductions peuvent nous donner une image suffisamment fidèle — je sais bien, dis-je, s'il fallait à toute force choisir, de qui je ne me laisserais pas priver.

J.S. 10

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