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164 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

continue de nous échapper et c'est lui qui importe ici plus peut-être que les individus. S'il n'y a pour nous que demi-mal à ignorer tel ou tel des littérateurs allemands, nous ne saurions nous désintéresser de la littérature allemande. Elle est actuelle- ment plus que la nôtre l'expression de l'esprit public. Ses représentants, qu'ils le veuillent ou non, d'instinct se subor- donnent à une tendance collective. Ils travaillent à une œuvre commune, très une malgré l'apparente anarchie. Sur des chemins divers tous ils se sont mis en quête du " Neuland ". Chacun à sa façon tâche à cet idéal d'une commune culture qui rendrait à l'Europe, fondues au creuset germanique, toutes les richesses anciennes. La " Kulturpolitik " qui entraîne dans un même élan penseurs, poètes, artistes, artisans, commence de faire sentir chez nous, presque à notre insu, des effets dont l'importance historique nous étonnera un jour. Ce mouvement nous avons le devoir de le connaître.

M. Guilbeaux n'en dit pas un mot. Il se défend d'avoir cherché à introduire dans son travail un ordre fictif. Les poètes, il nous les présente par ordre alphabétique : ce classement semble s'être imposé impérieusement à son esprit, et pour des raisons autres encore que celle d'objectivité, car M. Guilbeaux n'a point de l'impartialité un souci exagéré. Les tendances lui importent à lui aussi, mais ce sont les siennes propres qu'il poursuit, et non celles qu'un labeur calme pourrait aider à découvrir chez les poètes dont il s'agit. Homme de parti il lutte pour son parti, et si généreux que soit son rêve de fraternité sociale et politique, il lui met sur les yeux un bandeau.

On croirait à l'entendre que les poètes allemands n'ont eu d'autre idéal que celui du socialisme et celui de Whitman ou de Verhaercn. Or le mouvement social qui entraînait un Holz, un Schlaf, un Mackay, un Paul Ernst, Hauptmann à vingt ans, ne se prolongea guère au delà de 1890, date où apparaît l'individualisme aristocratique dont Dehmel même a subi la profonde influence. Pour Whitman ce n'est qu'en 1892 que

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