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Page:NRF 12.djvu/171

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NOTES 165

commença la diffusion de ses œuvres et les Allemands y cherchèrent surtout, selon la propre expression de Schlaf, " le sentiment intime et exultant d'être relié au tout ", une nouvelle " religion ", une nouvelle possibilité de cette synthèse que la science demeurait impuissante à faire. C'est la même religiosité panthéistique qui tout récemment les rapprocha de Verhaeren en qui ils retrouvèrent une source d'inspiration à laquelle s'est toujours abreuvée la poésie germanique. Il ne faut donc point nous faire un devoir politique de rendre accueil pour accueil. Il est douteux que le torrent d'amour universel dont on nous parle soit de nature à rompre toutes les digues, que l'ivresse poétique devienne aussi une ivresse politique et fasse de chaque panthéiste un bon Européen. Il est tant de manières d'être Européen, outre celle qui consiste à penser " l'Europe c'est moi ! " Sans doute il vient parfois de l'autre côté du Rhin un appel comme celui du Festsptel de Hauptmann auquel nous ne pouvons rester sourds. Sans doute un Dehmel, un George, un Rilke brûlent-ils d'une ardeur qui est la nôtre aussi. Mais en nous tendant les mains il faut que nous sachions bien, que nous sachions tout.

Or M. Guilbcaux sait ou du moins renseigne mal. Nous lui reprochons moins de prendre les Moderne Dichtercharaktere, une simple anthologie, pour une galerie de portraits, de dater de 1898 les Blâtter fur die Kunst qui sont de 1892, d'abandonner George à la " compagnie d'un excessif maniérisme dans son palais isolé " où " personne ne songe à interrompre ses médita- tions extra-humaines ", et de comparer sa poésie à un " manchon de bec Auer ", que d'avoir une naturelle répugnance pour ce qui est profond, une secrète horreur de ce qui ne livre pas son or au conquistador qui passe. Il n'est point le guide que nous aurions voulu. La sérénité, le loisir, le labeur lui ont manque pour étudier les détours de la sylve germanique où de plus avertis se sont égarés. Encore qu'il ne se trouble pas, il nous trouble, et il nous trompe en se trompant.

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