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l88 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

meilleure ; mais nous avons perdu tant de temps que nous n'arriverons à Nicée qu'à la nuit.

Oh ! que la lumière était belle ! quand, ayant franchi le col, je découvris l'autre versant... J'avais laissé mes compagnons regagner les voitures et continué seul à pied la montée, biaisant, pressant le pas, désireux d'arriver avant eux au col et de m'y attarder un instant ; mais il se reculait sans cesse, comme il advient dans les montagnes où la hauteur qui paraît la dernière en cache une autre plus lointaine, d'où se découvre encore une nouvelle élévation. C'était l'heure où les troupeaux rentrent qui animent les pentes du mont, et je marchais depuis long- temps dans l'ombre où chantaient avant de s'endormir les oiseaux.

Sur l'autre flanc tout était d'or. Le soleil se couchait par delà le lac de Nicée vers lequel nous allions descendre, qu'éblouissait l'horizontal rayon. On distinguait, à demi- caché par la verdure, le petit village d'Isnic, trop au large dans les murs de l'antique cité. Pressées par l'heure, nos voitures sans frein dévalèrent d'un train de chute, dédai- gnant les lacets, coupant court au gré de périlleux raccourcis. Je ne comprends plus bien ce qui fait verser les voitures, puisque les nôtres n'ont pas versé... Au pied du mont, les chevaux se sont arrêtés pour souffler ; une source était là, et je crois qu'on les a fait boire. Nous étions repartis de l'avant. L'air était étrangement tiède; des nuées d'éphémères dansaient dans la dorure du cou- chant. A notre droite, bien que le ciel fût déjà sombre, on ne voyait pas une étoile ; et nous nous étonnions que pût briller déjà si fort Vénus, unique, au dessus de Tem-

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