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Page:NRF 12.djvu/217

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RIMBAUD 211

Ses paroles naissent trop près de son esprit pour qu'il puisse les entendre avant de les avoir prononcées. Il assiste à ce qu'il exprime ; il le voit apparaître devant lui, mais pas plus que nous il ne reconnaît d'où cela vient, ni ce que c'est : " Car Je est un autre ; si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est évident : j'assiste à l'éclosion de ma pensée ; je la regarde, je l'écoute ; je lance un coup d'archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, on vient d'un bond sur la scène ^ ". Il est au bord de ce qu'il lui faut expri- mer, non pas au centre : il le touche, il le tente, il le provoque. Et cela répond par des sursauts imprévisibles, par des révélations spontanées.

Rimbaud ne possède pas son objet, ne l'entoure pas, mais simplement l'interroge :

Tout notre embrassement nest qiCune question *.

Il l'a si peu en main qu'il n'a d'autre moyen de le trouver que de l'attendre : " Quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d'oii viennent mes sommeils et mes moindres mouvements ? ^ " C'est au fond qu'il est par rapport à ce qu'il voit justement en état de sommeil. Le grand ange échappé sans défauts des mains de Dieu, sa chute ici-bas pourtant l'a stupéfié. Cet " esprit " lumineux, en prenant un corps, s'est émoussé et assombri ; il est entré dans une demi-surdité, dans le bourdonnement étouffé et impuissant du rêve :

  • Lettre du 15 mai iSyx, dans la Nouvelle Revue Française du

i*r oct. 1912, p. 571. ^ L&s Sœurs de Charité^ Œuvres, p. 70. ' Les Illuminations : Villes /, Œuvres, p. 206.

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