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212 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

" Je m'aperçois que mon esprit dort... S'il avait été éveillé jusqu'à ce moment-ci, c'est que je n'aurais pas cédé aux instincts délétères, à une époque immémoriale^. " Il est pareil à 1'

Aveugle trréveillée aux immenses prunelles '.

" Il eut son âme et son cœur, toute sa force, élevés en des erreurs étranges et tristes... Se rappellera-t-on le sommeil continu des Mahométans légendaires, — braves pourtant et circoncis ! ' " Sa mémoire a été frappée ; on dirait qu'elle a été privée d'un de ses hémisphères ; le contact avec la matière lui a fait perdre non pas ses images, mais la conscience du monde auquel elles appar- tiennent : " N'eus-je pas une fois une jeunesse aimable, héroïque, fabuleuse, à écrire sur des feuilles d'or, trop de chance ! Par quel crime, par quelle erreur ai-je mérité ma faiblesse actuelle? Vous qui prétendez que des bêtes poussent des sanglots de chagrin, que des malades déses- pèrent, que des morts rêvent mal, tâchez de raconter ma chute et mon sommeil ^ ".

Il a lâché prise et maintenant il ne retrouve plus qu'à travers je ne sais quel engourdissement le royaume d'où il a été divisé. Des spectacles qu'il lui arrive encore de contempler, il n'est pas plus maître que d'une chose qui se passerait à distance. Souvent, en même temps qu'il les note, il indique l'intervalle qui les sépare de lui : "Il y a une troupe de petits comédiens en costume,

' Une Saison en Enfer : L'Impossible^ p. 300.

2 Les Sœurs de Charité^ Œuvres, p. 70.

' Les Déserts de l'Amour^ avertissement, Œuvres, p. 102.

  • Une Saison en Enfer t Matin, p. 304.

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